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Mais qui étaient-ils donc
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BRÈVE VIE DE SAINT CÉSAIRE
Fête de saint Césaire : 26 août.
Figure de haute envergure, St Césaire, par toute sa vie a réalisé la figure
évangélique du Bon pasteur, donné totalement à Dieu , à l'Église et aux
hommes. Il a exercé sa charge en gardant le triple souci de veiller à
l'authenticité de la doctrine, d'organiser la vie de l'église et de
l'enracinant dans la vie spirituelle.
Un survol de son itinéraire peut nous montrer que ses premières années l'ont
préparé à cette tâche :
Il est né
probablement vers 470 à Castillon (près de Châlon sur Saône). En 488 il
reçoit la tonsure de l'évêque de Châlon Silvestre, et reste à son service
durant deux ans. Attiré par une vie plus solitaire et pour éviter peut-être
d'être retenu par sa famille, il s'enfuit à Lérins en 490; il y est reçu
comme novice par l'abbé Procaire. |
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Il sera
fortement marqué par la vie monastique. A Lérins il a sûrement acquis
l'essentiel de sa culture basée sur les livres saints et les Pères de
l'Église. Il s'appuiera sur St Augustin, St Ambroise et St Hilaire.
Il est tenté par le prestige de la culture profane. Un jour, fatigué, il
s'endort sur son livre et, comme dans un songe, il voit un serpent qui lui
ronge le bras et l'épaule. Pour lui c'est le signe qu'il doit abandonner la
culture profane pour se consacrer à l'essentiel.
Il fut aussi tenté par le rêve de l'héroïsme sacré, mais bientôt sa santé
sera compromise par ses mortifications. Il est envoyé à Arles pour se
rétablir.
L'évêque Leone, son parent, l'agrège à son clergé, l'ordonne diacre puis
prêtre. Il l'envoie comme Abbé pour rétablir l'ordre dans un monastère
d'hommes à Trinquetaille. Nous sommes en 499.
En 503 Sur les recommandations d'Eone, il est élu pour lui succéder.
Sa présence auprès de son évêque de Châlon, sa forte vie spirituelle et sa
science acquise à Lérins, sa générosité dans le don de soi, l'auront préparé
à accomplir ce ministère épiscopal.
" Veillez sur vous-mêmes et sur tout le troupeau où l'Esprit Saint vous a
placés comme responsables, pour être pasteurs de l'Église de Dieu" écrivait
déjà St Paul.
" Je sais ajoutait-il que des loups féroces s'introduiront chez vous".
Assez rapidement, Césaire est accusé de vouloir faire passer Arles sous la
domination des Burgondes, et il est exilé à Bordeaux. Il est reconnu
innocent et bientôt sera de retour et commencera la construction d'un
monastère de femmes. Ce qui est une nouveauté.
En 506, il préside le concile d'Agde.
Lors du siège d'Arles par les Francs et les Burgondes, en 507, il est trahi
par un jeune clerc, arrêté puis relaché, en 513 encore il est cité à
comparaître à Ravenne devant Théodoric. Une fois de plus il est reconnu
innocent. Ces épreuves ne l'empêchent nullement d'accomplir sa Tâche.
Sur le plan doctrinal "Parmi vous surgiront des hommes qui tiendront
des discours mensongers" disait déjà St Paul. C'est le temps où l'hérésie
Arienne a fait beaucoup d'adeptes, de même que les pélagiens. C'est
l'occasion pour Césaire d'être vigilant, de préciser et d'insister sur la
doctrine Trinitaire. Il obtiendra du Concile de Vaison que le triple Sanctus
soit chanté à toutes les messes.
Sur le plan spirituel. "Je vous confie à Dieu et à son Message de
grâce" affirmait encore Paul, soulignant l'importance de la sanctification
pour la Vie de l'Église.
Césaire fonde le monastère St Jean en 512. Il y place comme abbesse sa soeur
Césarie qui a séjourné quelques temps à l'abbaye féminine proche de St
Victor de Marseille. Ce monastère connut un vif succès, et sous le nom de
monastère St Césaire se perpétua jusqu'à la Révolution.
Il écrira une règle monastique très précise, qu'il aura l'occasion de
modifier en fonction de l'expérience. Il en avait écrit une autre plus
succincte pour les moines de Trinquetaille.
Il insistera sur l'importance de la vie spirituelle des prêtres qu'il
invitera à chanter l'Office Divin en commun.
Avant d'ordonner des prêtres il exigera qu'ils aient lu quatre fois la
Bible.
Sur le plan de l'organisation de l'Église.
"L'Esprit Saint vous a placés comme responsable du troupeau", insistait
encore St Paul. Progressivement la juridiction de Césaire va s'étendre de
plus en plus. A son retour de Ravenne il s'est arrêté à Rome où le Pape
Symmaque après lui avoir accordé le pallium, signe des archevêques, le
confirma dans ses privilèges de métropolitain et dans sa charge de vicaire
du Saint Siège pour l'Espagne et les Gaules.
Il organise les paroisses et établit que les prêtres pourront prêcher, alors
que selon l'usage de l'époque seul l'évêque le faisait. La prédication
restera le souci permanent de Césaire.Nous gardons de lui un grand nombre de
sermons qui demeurent d'une grande actualité.
Il visite également les paroisses. Au concile de Vaison il obtient qu'un
canon soit ajouté concernant la formation du clergé de Gaule. Auprès d'eux,
les prêtres logeront de jeunes lecteurs qui recevront une formation au terme
de laquelle ils pourront choisir soit le mariage soit d'entrer dans les
ordres.
IL gardera toujours le souci des pauvres. Pour les secourir il alla jusqu'à
vendre ses biens et même, les ornements d'église. Lors de sa comparution à
Ravenne, apprenant qu'une partie de la population d'Orange était captive, il
parvint à les racheter.
Il mourut en Arles probablement le 27 août 542 (ou 543) la veille de la fête
de St Augustin. Il laisse l'image d'un de ces hommes forts qui ont su
trouver les voies de l'évangélisation dans le contexte de ces temps
barbares. Un homme au regard neuf qui fut plus apôtre que prélat, dépourvu
de vanité et de tout bagage mondain, seulement soucieux de transmettre
l'héritage chrétien.
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Mère Teresa,
itinéraire d'une bienheureuse
" Come Be My Light ", un recueil de lettres de
la sainte de Calcutta, publié en anglais pour le 10e anniversaire de sa
mort, présente un aspect méconnu de la spiritualité de la religieuse.
Aspect méconnu, certes, mais qui « renforce et
humanise » la vie et l’œuvre de Mère Térésa. Il serait donc regrettable,
voir indécent, que certains médias incompétents, et avides de
sensationnel, s’emparent des ces lettres pour polémiquer et ternir un
œuvre aussi admirable |
« Si, par mon appel,
j'appartiens au monde, je suis albanaise par mon sang », proclamait Mère
Teresa. De fait, c'est à Skopje, en Albanie - à l'époque sous la coupe de
l'Empire ottoman - que naît, le 26 août 1910, la future Mère Teresa, sous le
nom de Agnes Gonxha Bojaxhiu, dernière née d'une famille de trois enfants.
Nicolai, le père, est patron d'une entreprise de travaux. Drana, la mère,
est originaire de Venise. Tous deux sont profondément croyants et il est
fréquent que les Bojaxhiu reçoivent des prêtres à la maison. L'un d'eux, le
P. Jambrenkovic est un fin connaisseur des missions jésuites au Bengale, en
Inde. Les récits qu'il fait de ces « aventures » vont, semble-t-il,
influencer la vocation de la jeune Agnes.
A 18 ans, elle quitte les siens et entre, le 26 septembre 1928, chez les
religieuses de Notre-Dame, une congrégation irlandaise qui l'envoie en Inde
deux mois plus tard. Après deux années de noviciat à Darjeeling, au nord-est
du pays, elle rejoint Calcutta, capitale de l'Etat du Bengale, pour y
enseigner à l'école Sainte-Marie des sœurs de Notre-Dame- de-Lorette. Elle
prononce ses vœux définitifs le 24 mai 1937, à 27 ans, mais sa vie n'a pas
fini de basculer.
Le 10 septembre 1946, au cours d'un voyage en train de Calcutta à
Darjeeling, elle reçoit, selon ses propres mots, « l'appel dans l'appel »,
celui de vivre parmi et avec les pauvres des rues : « le message était
clair. Dieu exigeait davantage de moi. Il voulait que je L'aime sous
l'affligeante apparence des pauvres entre les pauvres. »
Elle quitte alors les sœurs de Notre-Dame-de-Lorette en août 1948 et fonde
les Missionnaires de la Charité, établies en congrégation dans le
diocèse de Calcutta le 7 octobre 1950. C'est sous le nom de Mère Teresa
qu'elle poursuit son chemin de foi.
Un chemin qui n'est pas dénué d'embûches, comme le montre une série de
lettres qu'elle adresse à Mgr Perier, évêque de Calcutta, à partir de 1946.
Elle lui fait part du doute qui, parfois, la saisit et qu'elle appelle « le
désert de la foi ». Ainsi, en mars 1953, elle demande à Mgr Perier de prier
pour elle car, avoue-t-elle, « il y a une terrible obscurité en moi, comme
si tout était mort. »
Le doute, dans le silence de Dieu, fait partie d’une foi active : il permet
de réagir, conforter, voir redimensionner sa foi. Pour Mère Térésa, « petite
chrétienne immergée dans l’immense souffrance indienne » ce trouble difficilement supportable,
l'a conduit à se confier à Mgr Perier. Même le Christ sur la Croix a eu un instant
de doute : « Père, Père pourquoi m’as-tu abandonné ? » … on connaît la
suite !
La lumière finira par revenir et avec elle la certitude que la mission qui
lui a été « confiée est bien l'œuvre de Dieu. »
Avec son prix Nobel de la paix en 1979, Mère Teresa devient une personnalité
reconnue. Les puissants de ce monde lui rendent visite à Calcutta. Mais elle
n’est pas la seule : de part le vaste monde, des milliers de « petites Mère
Térésa anonymes » agissent auprès de celles et ceux qui souffrent.
A sa mort, le 5 septembre 1997, à l'âge de 87 ans, le monde entier lui rend
hommage. Elle est béatifiée le 19 octobre 2003 par le pape Jean-Paul II. Son
œuvre se poursuit. Dirigée par sœur Nirmala, une Indienne de 73 ans.
La congrégation compte 4 500 religieux et religieuses et a plus de
710 maisons dans 132 pays.
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Passeur
d'espérance
Mercredi 30 mars 2005, à la fenêtre
de ses appartements, Jean-Paul II était apparu, une dernière fois. Le
serviteur des serviteurs de Dieu est allé au terme de sa mission et de sa
maladie, sans une plainte. Nous laissant de lui, inextricablement mêlés, le
visage de l’athlète de Dieu et celui du serviteur souffrant.
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Jean-Paul II aimait la France qu’il aura visitée à huit reprises.
Celle de Louis-Marie Grignon de Montfort, celle du curé d’Ars, celle de
Lourdes et du Sacré-Cœur, du père de Lubac et de sainte Thérèse de Lisieux.
Il aimait la France de la sainteté, tiraillée entre le double héritage de
Voltaire et de Pascal. Il n’a jamais désespéré de notre pays, persuadé que,
plus que tout autre en Europe, il saurait trouver en lui la force d’un
sursaut.
Avec le pontificat de Jean-Paul II, l’histoire de l’Eglise aura
croisé, c omme jamais depuis longtemps, celle du monde. Quel homme, à la
rencontre de ces deux millénaires, aura autant parcouru le globe, rassemblé
les foules, réveillé les consciences résignées ou endormies, interpellé les
dictateurs, dénoncé les injustices, invité les ennemis d’hier à se
réconcilier, plaidé pour la paix et les droits de l’homme au nom de
l’inaliénable dignité des enfants de Dieu ? Quel pape aura, à ce point,
montré que l’Eglise n’a d’autre désir de puissance que de se mettre au
service du monde dans sa marche vers plus d’humanité ?
Les historiens diront un jour le rôle exact qui fut le sien dans
l’effondrement du communisme, la dénonciation du libéralisme économique
exacerbé, l’émergence, douloureuse et balbutiante, d’une Europe nouvelle,
incertaine de son histoire et de sa destinée. Ils diront le courage de ses
actes de repentance vis-à-vis des errements passés de l’Eglise, la sincérité
du pardon demandé aux Juifs, la passion du rapprochement entre les Eglises
chrétiennes, le combat incessant pour un dialogue entre les religions. Ils
diront le poids des critiques, des incompréhensions, des exaspérations qui
auront marqué son enseignement en matière de morale sexuelle et conjugale,
d’éthique et de discipline ecclésiastique. Ils diront si son charisme
personnel auprès des foules lui a fait ou non minimiser le poids de
l’appareil ecclésiastique et l’urgence des réformes à engager. Mais plus que
tout, peut-être, ils pèseront le rôle historique de cet homme de Dieu dans
le renouveau de l’Eglise.
Au soir de son élection, le 16 octobre 1978, Jean-Paul II lançait au
monde : « N’ayez pas peur ! Ouvrez toutes grandes les portes du Christ ! A
sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des Etats, les systèmes
économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la
civilisation, du développement. » Pendant près de trois décennies, il n’a
pas eu d’autre programme. Il a tenu promesse, au prix d’une vie de labeur et
de souffrance, avec une détermination farouche. Jean-Paul II, grand passeur
d’espérance, a voulu transmettre le flambeau de la foi à la jeunesse.
Pariant que, demain comme hier, il se trouverait bien parmi elle, et
jusqu’en notre pays, des garçons et des filles capables de passion pour
l’Evangile.
Sans doute est-ce en pensant à eux, ce samedi 2 avril 2005, qu’il a
remis son âme à Dieu.
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PAROLES DE CHIFFONNIER L’Abbé Pierre est parti
en « grandes vacances » vers Celui qu’il lui tardait de rencontrer. Il y
aurait tant à en dire, il en a tant été dit, qu’il vaut mieux le laisser
parler. Florilège extrait de « Testament… », paru en 1994.
« Dire ce que l’on sait… On s’aperçoit, quand on veut essayer, que cela se
ramène à un très petit nombre de certitudes .....
"Pour moi, il y en a trois : l’Eternel est Amour quand même, nous sommes
aimés quand même, et nous sommes libres quand même. Ah ! si je réussissais à
communiquer ces trois certitudes !" |
« La vie m’a appris que vivre, c’est une peu de temps donné à nos libertés
pour apprendre à aimer, et se préparer à l’éternelle rencontre avec
l’Eternel Amour. »
« On n’a guère le choix : soit l’on apprend à aimer, soit l’on devient un
monstre. »
« Etre charitable, ce n’est pas seulement donner, c’est avoir été, être
blessé de la blessure de l’autre. C’est aussi unir toutes mes énergies aux
siennes pour guérir ensemble de son mal devenu le mien.
Si la politique n’inclut pas cette charité-là, elle est infirme, boiteuse,
inefficace. »
« Le rôle de tout être humain, c’est de faire la preuve que le monde n’est
pas sans raison. »
« Autant que de quoi vivre, ils ont besoin de raisons de vivre. »
« Quand on s’indigne, il convient de se demander si on est digne. Digne par
exemple de venir en aide à ceux qui souffrent. (…) L’indignation pourrait
avoir beau jeu de nous donner bonne conscience. Pourtant, elle ne dispense
pas de l’action. »
« Ce temps est celui de l’impuissance des puissants et d’une incroyable
puissance des faibles. »
« Notre société est mal élevée. Elle ne nous laisse pas être nous-mêmes.
Nous vivons sous un véritable déluge d’informations : meurtres, catastrophes
et malheurs du monde risquent d’envahir notre conscience. Et cela se passe
avec notre complicité car, si l’on voulait résister, on y arriverait. Encore
faut-il avoir conscience que nous courons le risque de devenir des drogués,
impuissants face à ce qui, finalement, est une caricature de la réalité (…).
Mais je crois que chacun peut trouver, tout en étant engagé dans les
multiples activités et soucis de sa vie familiale et professionnelle, le
quart d’heure chaque jour ou la demi-heure chaque mois pour s’éloigner du
brouhaha. Sans oublier que l’humour, le rire sont aussi de bons instruments
d’hygiène psychique !
Il nous faut garder les yeux ouverts sur la majesté de la nuit où brillent
les étoiles, sur la grandeur du glacier, sur la beauté d’une œuvre d’art ;
il faut, un jour, avoir été ébloui par la splendeur du monde, ne plus
pouvoir se passer de ces moments prodigieux, savoir les retrouver et s’en
souvenir. »
« Le mot « Eucharistie » veut dire « merci ». C’est l’expression d’une
gratitude envers la source de vie. »
« Je n’y étais pas pour grand-chose, si ce n’est que je ne me suis pas
dérobé. »
Henry Grouès |
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SOEUR EMMANUELLE
un siècle d'amour
Les chiffonniers du Caire
l’appelaient Ableti, « grande sœur ». Son prénom ? Madeleine. Mais le monde
entier connaît mieux celui que cette perpétuelle révoltée s’est choisi à 22
ans : Emmanuelle. Toute sa vie, la religieuse vêtue de sa sempiternelle
blouse de nylon gris s’est battu contre la misère et l’exclusion.
Sœur Emmanuelle s'est éteinte le 19 octobre 2008 comme une étoile. En
laissant un immense rayon de lumière. Une disparition ressentie par tous : à
qui n'était-elle pas devenue familière ? Foulard et blouse grise, tennis
usés, on reconnaissait sans peine la silhouette. Le visage ridé comme par un
appétit de vie et de soleil, le regard bleu scintillant derrière de larges
lunettes, et toujours le sourire aux lèvres. Une femme totalement disponible
aux autres : « Si on ne s'intéresse pas aux autres, la vie devient monotone
», confiait-elle. |
Chacun avait compris depuis son retour d'Egypte
que le mot retraite lui était étranger. Elle n'avait jamais semblé aussi
présente. Auprès de ses amis de l'association Asmae bien sûr, mais aussi à
la télévision et à la radio, dans les écoles, les paroisses, les prisons.
Mais encore, et toujours, près des pauvres, des exclus. Les SDF de
l'association Paola à Fréjus, par exemple.
Certes, elle goûtait la compagnie des religieuses de la maison de retraite
du Pradon, dans le village de Callian, au pied de l'Esterel. Elle aimait
bavarder de jardinage, mais on la sentait toujours sur le départ, vaillante
sur ses pieds ou calée dans un fauteuil roulant, prête à monter dans une
voiture, un car ou un train. Jusqu’au bout, être utile et efficace
Inaction : autre mot banni de son vocabulaire. La gamine insupportable, la
jeune religieuse frondeuse, la révoltée du Caire : comment effacer un tel
caractère ? Jusqu'au bout, elle entendait dire ce qu'elle pensait, secouer
les dormeurs, ne pas rester les bras croisés. Etre encore utile et efficace,
avec cet optimisme qui en désarmait plus d'un, et cette façon de mettre un
terme au doute : « C't'évident, non ? » Ne jamais laisser s'éteindre la
flamme de l'espérance. Yalla ! Qui n'a perçu l'infatigable volonté derrière
cette interjection souvent répétée d'une voix à la fois fluette et ferme ?
Le charisme de sœur Emmanuelle reposait sur un sens inné du contact.
Tutoyant tout le monde - sauf le pape...-, dotée d'une mémoire d'éléphant
pour les noms, elle marquait toujours un intérêt sincère pour celui qu'elle
rencontrait. Avec le même égard, mais aussi le même culot, qu'il soit
puissant ou misérable.
Dans les échanges, elle savait avec intuition ce qu'il fallait dire et faire
à chaque instant. Et elle affichait une force de conviction inaltérable : «
J'ai opté pour l'amour universel », disait-elle, expliquant que ce n'était
pas la pauvreté qu'elle aimait, mais les pauvres ; la justice plus que la
charité.
On comprend que, dans ses vœux prononcés, le plus dur aura été celui
d'obéissance. Et celui de chasteté ? Celle qui fut une jeune fille coquette
effaçait d'une pirouette les remords : « Je n'aurais pas pu me consacrer à
un seul homme ». A un autre que Dieu.
Sœur Emmanuelle savait user habilement de son succès médiatique pour
défendre sa cause. Le public français l'avait découverte en 1977, sur Europe
1 avec Philippe Gildas. Elle fut invitée régulièrement par la suite dans les
grands rendez-vous des ténors de l'audiovisuel.
Elle avait puisé dans son parcours une harmonie. L'action n'empêchait pas la
méditation : elle n'a raté la messe quotidienne « que trois ou quatre fois
». La foi identifiée avec le cœur, pour suivre le philosophe Pascal, ne
l'incitait à aucune arrogance. « Avant, je pensais avoir le monopole de la
vérité du fait que j'étais catholique, disait-elle ; aujourd'hui, je sais
qu'il y a beaucoup de demeures dans la maison du Seigneur.»
Sa supérieure à Istanbul interdisait le prosélytisme, mais encourageait les
religieuses à « transpirer le Christ ». Sœur Emmanuelle aura été un exemple,
tout simplement un témoin. « Je ne suis qu'une petite goutte dans un océan
de misère. » Cette goutte vaut de l'or.
Soeur Emmanuelle en quelques dates :
16 novembre 1908 : naissance à Bruxelles de Madeleine Cinquin, d’une
mère Belge et d’un père français. Ses parents étaient commerçants en
confection et en lingerie fine. Sa grand-mère maternelle était née d’un père
juif et d’une mère chrétienne. Sa fille a épousé un protestant suisse. A 6
ans, elle voit son père se noyer : « Je me suis raccrochée à Dieu, et Dieu
s’est accroché à moi. »
1929 : Elle rentre dans la congrégation Notre-Dame-de-Sion, à Paris, rue
Notre-Dame-des-champs. Le 10 mai 1931 elle prononce ses vœux et prend le nom
de Sœur Emmanuelle. Diplômée en philosophe et lettres, elle enseignera
successivement en Turquie (1932-1954 puis 1959-1963), en Tunisie (1954-1959)
et en Egypte (1963-1971).
1971 : elle s’installe dans un bidonville au Caire. Elle va partager la vie
des chiffonniers pendant 22 ans. « Mes 22 ans dans le bidonville ont été
l’accomplissement de ma vie. »
1977 : Ouverture du centre Salam. Le centre offre un dispensaire, des
ateliers professionnels et de couture, un club social, un jardin d'enfants,
une maternité. Le centre Salam est inauguré par Jehane Sadate, épouse du
président égyptien Sadate.
1978 : tournée en Europe et aux Etats-Unis : Soeur Emmanuelle et Soeur Sara
collectent des fonds aux Etats-Unis et en Europe pour améliorer le sort des
chiffonniers. Jardin d'enfants, école et dispensaire voient le jour.
1980 : Elle reçoit l’Ordre du Mérite à Paris et fonde ASMAE "Agir, Soutenir,
Mobiliser pour l'Avenir des Enfants". L'association est laïque. Aujourd'hui,
elle intervient dans huit pays et auprès de 74000 enfants.
1991 : Tandis qu'elle célèbre ses noces de diamant de vie religieuse avec
les chiffonniers du Caire, l'épouse du président Moubarak lui confère la
nationalité égyptienne.
1993 : à la demande de ses supérieures, elle rentre en France et rejoint sa
communauté en Provence. Toujours au service des plus démunis, elle se rend
régulièrement dans les prisons et auprès des SDF. Active, elle donne des
conférences et visite les projets ASMAE dans le monde entier.
28 janvier 2002 : elle est promue au grade de commandeur de la Légion
d’Honneur.
25 avril 2005 : elle reçoit les honneurs belges en obtenant les insignes de
Grand Officier de l'Ordre de la Couronne
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